Le Dr Kaïs Razzouk est chirurgien cancérologue, spécialisé dans la chirurgie du sein et la chirurgie de la reconstruction mammaire. Son parcours est entièrement dédié à la prise en charge du cancer du sein depuis presque 15 ans. En effet, après quasiment 10 ans au Centre de Lutte Contre le Cancer de Rouen où la réflexion sur une chirurgie mini-invasive a débutée, il a participé à la création de l’institut du sein Nord Artois dans la région de Lille puis en 2016 à celle de l’Institut du sein à Nice. L’idée de cette structure était de créer dans un lieu unique un espace de prise en charge globale, à la fois médicale et paramédicale, des femmes atteintes de cancer du sein.

L’Institut du sein est un espace dédié aux femmes atteintes d’un cancer du sein. Il a pour vocation de les accompagner tout au long de leur parcours, du diagnostic à l’après cancer. L’équipe pluridisciplinaire est disponible pour rassurer les patients, les accompagner tout au long de leur parcours, souvent jalonné d’étapes difficiles, de moment d’angoisses ou d’inquiétudes. L’Institut du sein est présent sur deux sites à Nice : le premier à la clinique Santa Maria, et le second, ouvert plus récemment, à la clinique Saint-Georges.

Le process LIBRe est l’acronyme de Low Impact Breast Reconstruction ou reconstruction mammaire à faible impact. Il s’agit d’une technique de reconstruction du sein basée sur du lipofilling. Le lipofilling est une technique chirurgicale dans laquelle du tissu adipeux est prélevé dans une région du corps pour être réinjectée dans une autre, dans le cas du process LIBRe, dans le sein. Pour cela, une petite lipo-aspiration est réalisée au niveau du site de prélèvement (face externe des cuisses, ventre…), via une petite ouverture de 1-2 mm afin de recueillir de la graisse.

Celle-ci est ensuite préparée puis réinjectée dans la zone de la mastectomie. Cette intervention se réalise en ambulatoire, c’est-à-dire que les patientes entrent à l’Institut le matin pour en ressortir le soir. Ce protocole de reconstruction se compose ainsi de petites étapes d’injection de graisses, réalisées à chaque fois en ambulatoire, et espacées de 2 à 3 mois, délai nécessaire pour la récupération.

La philosophe véhiculée par l’Institut du sein de Nice est d’offrir aux patientes une approche positive qui place quasiment au même niveau l’exigence esthétique et l’exigence carcinologique. En effet, l’impact des chirurgies du sein sur les femmes prises en charge dans le cadre de leur cancer est un aspect sur lequel il est nécessaire de s’interroger. La chirurgie est souvent vécue comme une véritable mutilation pour ces patientes qui se retrouvent avec une double peine : l’annonce de la maladie et l’annonce d’une chirurgie qui aura de lourdes conséquences sur leur féminité et leur image corporelle.

A l’Institut du Sein, le traitement curatif du cancer du sein est réalisé pour que les cicatrices soient les plus discrètes possibles, avec un minimum d’impact sur le remodelage du sein, voire avec la volonté d’embellir le sein grâce par exemple à un lifting ou à une réduction mammaire selon le souhait des patientes. Cette approche d’oncoplastie, domaine étudié, évaluéé et publié par des équipes référentes mondiales, aide les patientes à porter un nouveau regard sur la maladie et sur leur corps, plus positif et porteur d’espoir.

Le processus LIBRe est un processus de reconstruction mini-invasive du sein qui se déroule en plusieurs étapes d’injections de graisses ou lipofilling, avec chacune un objectif spécifique : régénération, shaping (redessiner les contours du sein), puis volume. Les premières injections de graisse vont ainsi constituer des étapes de régénération tissulaire : la « regenerative step ». En effet, après une ablation du sein ou une radiothérapie externe, les tissus peuvent être abîmés : perte de vascularisation, fibrose, rétraction… susceptibles d’occasionner des douleurs.

Ces premières étapes de lipofilling sont donc un véritable processus de régénération : les cellules graisseuses activent la néovascularisation et améliorent la souplesse et l’élasticité de la peau. Les deuxièmes et troisièmes injections constituent l’étape dite de « shaping » (contours). Elles vont permettre de faire réapparaître progressivement le sein, d’en redessiner le contour. Les 4ème et 5ème étapes sont quant à elles des étapes dites « de volume ».

Contrairement à ce qu’elles ont vécu tout au long du parcours de la maladie et des traitements, le process LIBRe laisse les patientes libres de décider ce qu’elles souhaitent pour leur reconstruction mammaire. Elles ont le choix de la temporalité des injections, de leur séquentialité ainsi que du volume final qu’elles souhaitent obtenir. Elles sont libres de poursuivre ou d’arrêter les injections de graisse pour que le résultat leur plaise.

Les étapes successives permettent à la patiente, tout en douceur, de voir réapparaître leur sein, comme une nouvelle renaissance. Psychologiquement, ce processus n’est plus simplement de la reconstruction mais permet aussi de redonner douceur et choix dans un protocole qui s’apparente à une renaissance, qui permet de s’adapter progressivement à son nouveau schéma corporel.

Chez 30 % des patientes atteintes d’un cancer du sein, une mastectomie totale (ablation complète du sein) sera nécessaire. Il a été montré à l’Institut du sein de Nice, que le process LIBRe pouvait être proposé pour une reconstitution immédiate du sein par lipofilling sans ajout de prothèse chez plus de 80 % des patientes. Ceci a été décrit pour la première fois dans un article publié dans une grande revue américaine en 2022 . Dans certaines situations (20 à 30 % des cas), la pose d’une prothèse peut être réalisée en fin de protocole en concertation avec la patiente.

Cette prothèse étant positionnée devant le muscle pectoral, sa pose laisse peu de cicatrice et les résultats sont plus naturels et pérennes dans le temps que dans le cas d’une pose rétropectorale (derrière le muscle). Le recul de plus de 10 ans a montré l’efficacité et la sécurité de ce processus de reconstruction mammaire par lipofilling. Aucune reconstruction par lambeau et/ou prothèse d’expansion d’a été nécessaire. Les résultats obtenus avec le processus LIBRe ont fait l’objet de publications et de présentation en congrès. De futures publications sont également en cours.

Grâce à l’expérience acquise dans ce protocole, il est aujourd’hui possible d’objectiver une certaine séquentialité. Une femme ayant été opérée pour une mastectomie totale sans radiothérapie recevra en moyenne trois étapes d’injection de graisse, chacune espacées de 2 à 3 mois. Une femme ayant été opérée pour une mastectomie totale suivie d’une radiothérapie externe recevra quant à elle en moyenne 5 étapes d’injections de graisse, espacées de la même façon de 2 à 3 mois.

Ces patientes auront donc une durée moyenne de reconstruction d’un an dans le cadre du process LIBRe.

La question du volume est souvent abordée en consultation. Avec le recul, il a été montré que plus de 2 femmes sur 3 pourront obtenir un bonnet C ou D en moyenne à la fin du process LIBRe. Toutefois, il convient de souligner l’importance de l’harmonie du résultat dans une reconstruction mammaire.

L’harmonie peut par exemple être le résultat d’une meilleure symétrie entre les deux seins, qui peut parfois impliquer des corrections sur le sein non atteint (lifting, réduction…). Cette harmonie aide ainsi les patientes à accepter leur nouveau schéma corporel.

La question du coût financier de ce type d’intervention est récurrente de la part des patientes. Au sein de l’Institut du Sein de Nice, toutes les étapes chirurgicales sont prises en charge par la sécurité sociale. Les professionnels font ainsi en sorte que le reste à charge pour les patientes soit nul.

En effet, l’objectif est de faire en sorte que chaque femme puisse bénéficier du protocole LIBRe sans que le coût financier d’un tel processus ne soit une limite. Cet aspect est primordial pour les équipes.

Une question récurrente dans le cas du process LIBRe concerne l’accès à ce processus pour les patientes n’ayant pas été opérées à l’Institut du sein de Nice. Il est ainsi important de noter que toutes les patientes peuvent bénéficier d’une reconstruction mammaire à l’Institut du Sein, quel que soit le lieu dans lequel elles ont été opérée pour leur mastectomie totale.